Principes d’intervention
En tout premier lieu, il faut envisager la programmation de Jean-Jeune dans une perspective écologique, c’est-à-dire qu’il faut comprendre que tous les éléments qui suivent sont indissociablement liés les uns aux autres; il ne peut être question de programmer des activités sans tenir compte de la personne qui doit pratiquer ces activités et de l’environnement dans lequel elle aura à les réaliser.
1er principe : La clientèle
La clientèle est au centre de toutes les activités prévues dans la programmation : c’est elle qui aura à vivre ces activités, elle est le sujet. En conséquence, on doit prévoir un programme à sa portée en terme de capacité à se livrer à telle ou telle activité et en terme d’intérêt à s’y livrer; on ne peut la forcer à faire des gestes qui demandent trop d’habileté ou de connaissances pour son développement ni à poser des actes qui ne suscitent chez elle aucun intérêt.
La clientèle étant diversifiée, il deviendra donc nécessaire de faire une programmation qui s’ajuste au développement de la clientèle tant au plan moteur, affectif, que cognitif. On devra donc développer des programmes différents selon les groupes d’âge. Toujours en accord avec cette approche, il devient évident qu’il ne s’agit plus de faire l’énumération de certaines activités préalablement choisies pour notre programme, mais de s’intéresser à la clientèle et de choisir des activités conformes à ses intérêts et ses capacités.
De même, comme l’intérêt et la capacité varient avec chaque clientèle, la programmation et la méthode devront laisser place à l’expression de l’individualité.
2e principe : L’environnement
La quasi-totalité de notre clientèle se recrute en milieu urbain. L’environnement physique dans lequel se situe la colonie de vacances en est un de nature et de plein air. Il n’est donc pas question de faire abstraction de cette réalité, il faut ici permettre à la personne qui a vécu toute sa vie en milieu urbain de découvrir la nature, c’est-à-dire de prendre contact et de s’habituer à vivre dans ce milieu qui paraît, au début, plutôt menaçant. Peu à peu, la personne doit s’acclimater dans ce milieu puis s’y épanouir.
L’autre environnement nouveau pour plusieurs personnes est la vie de groupe : manger selon un menu commun, faire des travaux collectifs, s’entraider, partager. Voilà autant d’apprentissages nouveaux pour une personne qui vit dans un monde souvent fragmenté et isolé.
La programmation que nous devons établir sera donc axée vers le plein air et la vie de groupe et devra répondre aux exigences de ces deux réalités. Il ne peut s’agir ni de transporter au camp la vie en ville (télévision, discothèque, mécanisation, vitesse, etc.) ni de bâtir un programme sur mesure pour chaque enfant, mais axé sur ces expériences collectives (petites équipes, communautés, etc.).
3e principe : Le vécu
Si le sujet de notre programme, c’est la personne, son objet, par contre, c’est le vécu dans toute sa totalité.
Il ne doit plus être question de programmer des activités, mais des instants de vie qui se succèdent : ainsi le temps passé à manger, dans un camp, peut devenir, un élément aussi créateur et formateur que tous les autres et ne doit plus se limiter à une simple charnière entre l’activité du matin et celle de l’après-midi. L’enfant peut y faire autant d’apprentissages que lorsqu’il est en canot, en voilier ou en camping. S’il est capricieux, il peut y apprendre à être moins difficile, à faire des expériences gastronomiques nouvelles, etc.
Il n’est donc pas question d’un programme rigide et d’un horaire contraignant, il faut savoir être souple, s’ajuster aux événements, à la météo, aux humeurs du groupe. Il faut se donner le temps de tout faire bien, ne pas s’enfermer dans un horaire artificiel, etc.
De ce principe doit découler que le moniteur est polyvalent et disponible, c’est à dire prêt à vivre toutes les expériences avec les enfants et non pas seul. Il s’agit bien ici de découverte et non de perfectionnement, ni de performance. On ne veut pas créer un champion, un professionnel du plein air. On veut que la personne apprenne en s’amusant et non en peinant, comme cela se passe trop souvent à l’école.
4e principe : Le jeu
Enfin, il faut mettre une couleur sur ce vécu, le distinguer de celui de l’école ou d’ailleurs. C’est la couleur du jeu qui doit dominer au camp. Et la couleur du jeu, c’est celle de la gratuité, du plaisir, de la créativité, de l’absence de règles qui briment l’enfant, et de l’acceptation des règles que le groupe se donne pour la durée de l’expérience. Le jeu devrait donc être la méthode pédagogique qui guide l’animation de toutes les expériences que comportera le programme de la colonie de vacances.
Jouer c’est s’amuser! Jouer c’est apprendre de la façon la plus naturelle, sans douleur sinon sans risque. Jouer c’est se sentir libre. Jouer c’est s’engager dans ce que l’on fait et oublier tout ce qui n’est pas l’univers du jeu. Jouer c’est inventer le monde qui nous entoure à la mesure de nos capacités et de notre compréhension. Le jeu doit donc inspirer toute l’animation des vécus du camp, toute la méthode d’intervention auprès des gens.